Réflexion: Comment préparer le temps de carême ?

I. La signification des 40 jours de Carême.

  Le temps de carême est un don, un vrai don d’espérance : un don dont il faut profiter pour changer et se convertir, pour apprendre à vivre mieux et à faire le bien. Les 40 jours du carême sont un ensemble de signes symboliques : le nombre quarante est considéré, dans la Bible, comme un nombre parfait, sacré. En fait, nous la trouvons présente à des moments importants de l’histoire biblique.

   D’abord, le déluge a duré quarante jours et quarante nuits (cf. Gn 7,12). Seul Noé a été sauvé.

  Ensuite, le peuple d’Israël, libéré de l’esclavage de l’Egypte en la personne de Moïse, a erré dans le désert pendant quarante ans (cf. Nm 4, 6) avant d’entrer dans la promesse.

  Aussi, le Seigneur ordonna à Ezéchiel de se coucher pendant quarante jours sur le côté droit (cf. Ez 4,6), pour indiquer l’endurance d’un règne qui devrait être suivi de la ruine de Jérusalem.

 Puis, nous avons deux autres grands personnages : Moise et Elie. Le premier représente la loi et le second les prophètes.

Moïse reste quarante jours sur le mont Sinaï (Ex 24,18), Elie sur l’Horeb (cf. 2 Rois 19,8).

Enfin, nous avons le jeûne de quarante jours de Jésus. Etant juif, Jésus vénérait la Bible. Alors, à l’instar de ces grands hommes, il a voulu lui aussi subir l’épreuve des quarante jours de jeûne pour être tenté par le diable et être prêt pour la mission pour laquelle il était venu : annoncer aux hommes la Bonne Nouvelle du Royaume de Dieu et sauver l’humanité.

        Le jeûne devrait donc servir à se purifier afin d’approcher la divinité. Le nombre quarante indique non seulement un chemin à parcourir mais aussi l’accomplissement de la promesse du Seigneur. Les Israélites ont reçu la terre promise après quarante ans de marche, d’épreuves de combat. Quant à Jésus, il a commencé sa mission d’annonce du royaume des cieux après quarante jours de mise à l’épreuve par le diable et de combat dont il est sorti victorieux. Le Carême qui dure quarante jours est donc un temps de cheminement, de combat contre toutes sortes de tentations, de préparation à la Pâques, à la plénitude de l’amour de Dieu.

II. Le Carême, temps de conversion et de confession.

Le jeûne devrait donc servir à se purifier

Le Carême est un temps qui nous appelle à la conversion, c’est-à-dire qui invite chacun de nous à repartir vers Jésus, à sa Parole et à la prière. Revenons à l’étymologie du mot conversion selon l’hébreu et le grec :

En hébreu, conversion est dérivé du mot  šûb qui veut dire faire demi-tour. Un retour qui implique un mouvement physique, un changement de chemin, de direction pour en prendre un autre. C’est un mouvement brusque et radical.

– Pour ce qui est du grec, conversion vient de metanoia et au-delà de nouce qui signifie changer de pensée, de mentalité. Cela implique un changement intérieur.

 Par conséquent, la conversion prêchée par Jésus, dès le début de sa mission, est un renouveau de tout l’homme, de ses sentiments, de sa vie. Changer de route et changer de façon de penser (mentalité) sont les deux aspects qui accompagnent la conversion chrétienne. Elle a un impact social et positif sur les autres avec qui nous vivons : elle se fait dans la solidarité. C’est pourquoi notre conversion est un don pour nos frères et pour les pauvres.

Le Carême qui dure quarante jours est donc un temps de cheminement

Le carême est un temps de purification, de confession. La confession est un sacrement aussi important que tous les autres sacrements. Dans la confession, nous pouvons expérimenter la présence et le pardon du Seigneur. C’est le moment d’une véritable transition entre deux chemins : l’homme vieux et l’homme nouveau.

C’est le passage de l’être pécheur à l’être pardonné, peu importe qui nous sommes et ce que nous avons fait. Le Père miséricordieux nous attend et nous souhaite la bienvenue (cf. Lc 15,20). Comme dit le prophète Isaïe : « Venez, et discutons – dit le Seigneur. Si vos péchés sont comme l’écarlate, ils deviendront aussi blancs que neige. S’ils sont rouges comme le vermillon, ils deviendront comme de la laine. » (Is 1,18) Se reconnaître pécheur est un don et une grâce qui libèrent des chaines de l’orgueil et de la haine. C’est découvrir qu’on peut changer, qu’on peut bien faire les choses, qu’on peut faire le bien qui n’a pas été fait. Confesser son péché est un geste de réaction, de rébellion contre le mal. La confession nous aide à veiller à ce que le mal ne domine pas notre vie et à la maintenir en esclavage (cf. Gn 4,7). Cette confiance dans le Seigneur nous donne l’espoir de demander pardon, de vivre d’une manière nouvelle. Alors, il doit y avoir un besoin de se confesser au Seigneur car nous sommes tous des pécheurs, des mendiants de la miséricorde de Dieu. Ne cachons pas les faiblesses, les fragilités ou les contradictions de notre vie (de cendres).  Avec humilité et confiance confions-nous au Seigneur dans la confession. En fait, dans la confession le Seigneur agit, prend soin de notre faiblesse pour qu’elle devienne une force qui produit de bons fruits dignes de conversion (cf. Jn 15,1-8).

Le carême peut être considéré comme un temps de taille, de conversion et de confession pour porter plus de bons fruits. Un temps où le Père miséricordieux, comme le vigneron patient et attentionné, prend soin de notre vie.

Le Seigneur Jésus demande à ses disciples de rester en lui, car se détourner de lui et des frères, c’est s’exposer au mal. Le péché est précisément la distance entre nous et l’amour de Dieu, la séparation entre nous et l’amour du prochain. Le péché c’est le choix du mal pour soi, pour les autres. Donc se confesser c’est faire de nouveau un choix, celui de retourner à Dieu, rester avec Jésus, avec la parole de Dieu qui mènent à une vie pleine, rester avec Lui pour vivre une nouvelle vie.

III. Les étapes du Carême

                La prière, l’aumône et le jeûne, sont les trois étapes du Carême, étapes concrètes de la conversion intérieure que l’Église nous propose. Ces trois étapes vont nous libérer du péché, du mal et vont nous faire découvrir tout le bien que nous avons en nous. Le Seigneur veut nous relever de la poussière, des ordures, du péché, de tout ce qui détruit notre vie fragile pour nous amener à la joie de Pâques. Le carême est le temps de la conversion pour être des hommes et des femmes nouveaux, car notre pays et le monde ont besoin d’hommes et de femmes renouvelés.

La première attitude du cheminement de Carême est la prière. Dans l’Evangile de Matthieu (cf. Mt 6), Jésus invite ses disciples à prier dans le secret (personnellement).

Le Seigneur Jésus demande à ses disciples de rester en lui, car se détourner de lui et des frères, c’est s’exposer au mal. Le péché est précisément la distance entre nous et l’amour de Dieu, la séparation entre nous et l’amour du prochain. Le péché c’est le choix du mal pour soi, pour les autres. Donc se confesser c’est faire de nouveau un choix, celui de retourner à Dieu, rester avec Jésus, avec la parole de Dieu qui mènent à une vie pleine, rester avec Lui pour vivre une nouvelle vie.

La prière dans la chambre secrète de notre cœur où le Père nous regarde et nous parle. Jésus dit : « Lorsque vous priez, faites-le en secret, lorsque vous faites l’aumône, ne faites pas sonner la trompette, lorsque vous jeûnez, ne soyez pas mélancoliques pour recevoir l’approbation des hommes. Mais faites-le dans le secret, votre Père qui voit en secret vous récompensera » (Mt 6,6). Dans la faiblesse et la fragilité de notre vie, nous pouvons nous tourner vers Dieu avec la confiance des enfants pour écouter sa parole. La prière est la force du chrétien et de tout croyant. Face à tant de blessures dans la vie, celles des pauvres, des peuples qui nous blessent, le cœur risque de s’endurcir. Au lieu de cela, nous sommes appelés à prier pour entrer dans l’amour infini de Dieu, pour goûter sa tendresse. Il s’agit d’une prière plus intense, plus prolongée, plus assidue, plus capable de prendre en charge les besoins des frères : une prière d’intercession, intercession devant Dieu pour que tant de situations d’injustice et de souffrance puissent changer.

Prier c’est comme respirer, car la prière c’est l’air pour notre âme. Saint Séraphin de Sarov, grand maître spirituel de l’Église russe, disait : « Acquérir l’Esprit de Dieu est donc le véritable but de notre vie chrétienne, au point que la prière, les veillées, le jeûne, l’aumône et les autres actions vertueuses accomplies dans le Nom du Christ ne sont que des moyens à cette fin ». Vous n’êtes pas toujours conscient que vous respirez, mais vous ne pouvez pas arrêter de respirer.

               La deuxième attitude du cheminement du Carême est l’aumône. L’aumône est comme la prière qui nous libère du mal. Le livre de Ben Sirac le Sage dit que l’aumône expie les péchés (Sir 3,30). L’aumône nous fait nous arrêter pour regarder, toucher et aider ceux qui sont blessés par la vie. Elle nous fait vivre la miséricorde avec des gestes concrets et simples. Et Jésus dit, faites plutôt l’aumône de ce qui est à l’intérieur (Lc 11,41).

Dans l’exercice de l’aumône, il y a la prière, le jeûne, dit le prophète Isaïe. Il y a la justice. Comme le dit Jésus : « Tout ce que vous avez fait à l’un de ces petits frères et sœurs, c’est à moi que vous l’avez fait ». Nous sommes comme des mendiants d’amour, de pardon et d’espérance devant le Seigneur.

La troisième attitude du Carême est le jeûne. Le jeûne est une pratique religieuse ancienne, qui avec des buts et des méthodes différentes mais tendant toujours à mortifier les sens de l’homme pour affiner l’esprit et le rendre plus prêt à s’immerger dans le surnaturel. Le prophète Isaïe dit que la justice est le vrai jeûne (Is 58,4-12).

Les disciples de Jean-Baptiste et les pharisiens le pratiquaient également. Le jeûne n’est pas un régime. Il a du sens s’il affecte réellement notre satiété, s’il est pour les autres, s’il nous aide à cultiver la prière et l’aumône, c’est-à-dire à nous pencher vers notre frère en difficultés et à prendre soin de lui. Choisir une vie sobre, ce n’est pas ne pas gaspiller la nourriture, le temps et l’affection, c’est surtout ne pas rejeter les autres, les plus faibles, mais ouvrir le cœur à l’essentiel et au partage. Comme le dit le prophète Isaïe : « Le jeûne agréable à Dieu, c’est aimer et aider les pauvres, libérer les opprimés de tout joug de l’esclavage, partager le pain et même la vie avec les affamés, vêtir les nus : Le jeûne qui me plaît, n’est-ce pas ceci : faire tomber les chaînes injustes, délier les attaches du joug, rendre la liberté aux opprimés, briser tous les jougs ? N’est-ce pas partager ton pain avec celui qui a faim, accueillir chez toi les pauvres sans abri, couvrir celui que tu verras sans vêtement, ne pas te dérober à ton semblable ?) (cf. Isaïe 58,6-7 ». Il y a un besoin de jeûner de l’amour pour nous-mêmes pour sentir la présence du Seigneur. Il y a un besoin de jeûner de l’avidité, l’avidité de posséder, l’abîme contre la création. Jeûner d’amour pour nous-mêmes pour placer notre confiance et notre espérance en Dieu.

               En conclusion, le Carême est un temps opportun et précieux que l’Église nous offre pour renouveler notre vie. Le chemin du Carême nous révèle le sens de la vie, l’espérance de la résurrection. Un temps qui nous rappelle que nous sommes poussière. Un temps qui nous rappelle la fragilité de la vie. Un temps qui révèle que le souffle de Dieu et son amour habitent cette poussière. Nous avons besoin de ce temps béni pour expérimenter la conversion dans la prière, l’aumône et le jeûne pour être humbles de cœur et riches d’esprit et marcher avec nos frères et sœurs vers Pâques.

Bonne préparation du temps de Carême !

Père Philippe ZONGO, archidiocèse de Ouagadougou,  Vicaire de Saint Albert le grand, aumônier du Buisson ardent

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