EDITION FLAMBEAU VIGILE 2021 : »Le trading : mieux comprendre pour bien agir »

Il faut qu’on en parle:

Devenir millionnaire rapidement, s’assurer des revenus réguliers, améliorer sa situation financière, ne plus avoir à travailler pour de l’argent mais avoir son argent qui travaille pour soi : c’est la promesse sans cesse reprise dans la publicité de plusieurs structures se présentant comme des institutions financières. Elles garantissent des taux d’intérêts de l’ordre de 100% en quelques semaines seulement. L’origine des revenus serait le trading. Les nouvelles offres ne manquent pas et provoquent des débats passionnés. Si ces placements connaissent un certain engouement, certaines personnes opposent des réserves légitimes : sont-ils fiables ? Implémentent-ils la pyramide de Ponzi ? Est-il honnête de s’y engager ?

Le trading c’est quoi ?

Le « trading » est un mot anglais qui signifie « commerce ». Le « trader » est donc de façon large un « commerçant » dont l’activité est de vendre ou d’acheter des biens ou des services. Dans le domaine financier, le « trading » consiste à l’achat et la vente de produits financiers. S’il s’agit de produits boursiers (actions, obligations, etc.), le « trader » est appelé « courtier ». S’il s’agit de devises ou de matières premières, on l’appelle « cambiste » (du latin : cambiare = changer). Dans cet article, nous nous restreignons à l’activité des cambistes dont il est le plus souvent question dans notre contexte.

Dans le vocabulaire du trading, on rencontre le mot Forex (abréviation de : Foreign Exchange) qui désigne le marché de devises. On peut y acheter ou vendre des devises nationales (dollars US, Yen, Euros, etc.) ou de la cryptomonnaie (Bitcoin, Ethereum, Monero, etc.). Signalons au passage que le Franc CFA est absent du Forex, étant une sous-monnaie émise par le trésor français. L’annonce d’un changement de nom en ECO tout en gardant la parité fixe avec l’Euro traduit la volonté du gouvernement français de maintenir le genou sur le cou (l’économie) de nombreux pays africains, et ce depuis des décennies (cf. Black lives matter).

Pour revenir à nos moutons, le trading peut être comparé à l’activité de ceux qui achètent les céréales à la fin de la saison pluvieuse, lorsque les prix sont bas pour les revendre plus tard, lorsque les prix sont plus élevés du fait de la pénurie. Le trader habile va acheter des devises lorsque leur taux est bas, et trouver le bon moment pour les revendre afin d’en tirer un profit. La différence entre les céréales et les devises est que le cours (la valeur) de ces dernières peut augmenter ou diminuer d’une journée à l’autre, et même au cours d’une même journée, selon la règle de l’offre et de la demande.

Le trading, une mine d’or ?

Il est normal que pour s’attirer des apprenants, les centres de formations en trading présentent cette activité comme pouvant nourrir son bonhomme, ou mieux, comme une voie royale pour devenir millionnaire. Cela est vrai en partie, car des célébrités doivent leur grande fortune au trading. Toutefois, le trading n’est pas un loisir tranquille permettant de devenir riche tout de suite sans se fouler la rate. C’est un métier à part entière, un métier complexe et difficile, où l’on rentre en compétition avec des traders professionnels et des robots pratiquant le trading automatique qui sont tous là pour gagner. Naturellement, cela ne peut se faire sans qu’il n’y ait des perdants [1].

Le trader prend des risques à tout moment. Il peut gagner énormément, mais il ne gagne pas à tous les coups : il peut aussi perdre beaucoup en quelques secondes. Et cela arrive régulièrement même aux traders les plus expérimentés [2]. La prudence exige de trader avec de l’argent que l’on accepte de perdre potentiellement. En d’autres termes, il est insensé de trader avec tout son capital, ou bien avec de l’argent dont on a besoin pour vivre.

Les revenus liés au trading sont donc très aléatoires et difficilement prévisibles. Lorsque des traders professionnels agissent pour le compte de tierces personnes, ils signent en général un contrat par lequel ils sont rémunérés en fonction des gains réalisés. Toutefois, certains marqueteurs font voir dans le trading une activité où l’on ne fait que s’enrichir, et cela très rapidement. Lorsque des individus ou des entreprises proposent au grand public de leur faire gagner à coup sûr 100 % de bénéfice par trading en quelques semaines, on a le droit de douter que cette rémunération provienne entièrement du trading. En général, c’est le système de Ponzi qui est utilisé en arrière-plan.

L’astuce de Ponzi

Charles Ponzi (1882 – 1949) est un Italien qui a inventé le mode d’escroquerie qui porte son nom où les intérêts versés aux épargnants proviennent de l’argent des nouveaux arrivants dans le système. Ponzi promettait aux investisseurs un bénéfice de 50 % en 90 jours, sensés provenir de la spéculation sur la valeur des coupons réponses internationaux de la poste. Ce premier forfait fut mis en place à Boston en 1919 et fut découvert en quelques mois après que des dizaines de milliers de personnes lui aient confié leur argent. Ponzi n’utilisait pas de coupons postaux. Il rémunérait les uns avec l’argent des autres.

Illustrons le système de Ponzi encore appelé chaîne ou pyramide de Ponzi par un exemple séquentiel en F CFA. Un promoteur promet à ses clients de leur verser 100 % d’intérêts en un mois parce qu’il serait trader professionnel. On souscrit avec une somme de 100 000 F CFA. Le premier client est Tanga (nom fictif). Il verse la somme de 100 000 F. Le premier mois, le promoteur peut dormir tranquille, même s’il n’attire pas d’autres clients, étant donné qu’il dispose déjà de 100 000 F qu’il pourra remettre à Tanga en fin de mois. À la fin du premier mois, Tanga est rémunéré et rassure son entourage que le promoteur tient ses promesses. Vers la fin du second mois, le promoteur a deux nouveaux clients, Raogo et Poko (noms fictifs) qui apportent chacun 100 000 F. À la fin du second mois, il peut verser encore 100 000 F à Tanga, et s’offrir 50 000 F de commission sur chaque nouveau client. Il empoche donc lui-même 100 000 F et laisse la caisse vide. On a 3 adhérents en tout. À la fin du troisième mois, le promoteur doit dépenser 300 000 F pour ses 3 adhérents. Par conséquent, il faut qu’il ait au moins trois nouveaux clients. Ce sera facile d’autant plus que Tanga qui a déjà reçu deux fois 100 000 F aura fait la propagande autour de lui.

Ainsi se construit la pyramide dite de Ponzi. L’argent des nouveaux venus sert à honorer les engagements envers les anciens adhérents et à enrichir le promoteur. Plus le temps passe, plus il faut trouver davantage de clients dans un délai de plus en plus court, afin de pouvoir reverser quelque chose à un nombre de plus en plus important d’anciens adhérents. Le système de Ponzi « se grippe » dès lors que les nouveaux adhérents se font rares, ou bien lorsque beaucoup d’anciens adhérents demandent à retirer leur capital. Le promoteur pourra dans les premiers temps accuser un problème informatique pour justifier les retards de payement, ou bien inviter les clients à réinvestir leurs intérêts pour augmenter leurs gains, mais par la suite, il est obligé de fermer boutique.

La pyramide de Ponzi est un vol savamment orchestré et une source de profit malhonnête, où il est connu d’avance que les derniers à souscrire perdront leur capital alors qu’ils ont été persuadés d’obtenir les mêmes gains que leurs prédécesseurs. Et « quel malheur pour celui qui réalise un profit malhonnête pour sa maison, afin d’établir son nid sur la hauteur, pour échapper à l’emprise du malheur ! » (Habacuc 2, 9)

Abbé Kisito NIKIEMA, Ouagadougou

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